Bosnie-Herzégovine, Mostar
Jeudi 26 mai 2016
Je sors de la voiture. Seb en sort le fauteuil roulant. Nous sommes dans un stationnement pourvu de toilettes qui me font envie. J’ai envie. Je m’assoie dans mon fauteuil et on se dirige vers ce lieu qui m’inspire le soulagement. On arrive. Une dame pipi est là pour recueillir l’argent. Elle me voit, assise dans ma chaise roulante, et avec empressement et fierté elle me tend la clé qui ouvre la toilette pour personnes handicapées. Elle ne me fait pas payer. Je me dirige avec Seb vers cette fameuse toilette. J’insère la clé. J’ouvre la porte. Et nous éclatons de rire tous les deux. Mon rire retentit. La pièce est si encombrée qu’il est difficile de se frayer un chemin jusqu’à la toilette… qu’on peine à distinguer.
Cette anecdote montre bien la méconnaissance des gens face à la réalité des personnes handicapées et en fauteuil roulant. Et probablement encore quelques fois leur indifférence. Alors au risque de me répéter, une personne en fauteuil roulant a besoin d’espace pour circuler et faire ses transferts d’un siège à un autre ! Ma condition veut que je sois toujours capable de marcher alors cette situation ne m’a pas empêchée de faire mes besoins. Ce n’est toutefois pas le cas de bien d’autres. Cette toilette aurait été inutilisable pour une personne clouée à son fauteuil roulant. Si vous aviez vu tout ce qu’il y avait ! Ça allait du porte-chapeaux commercial à l’escabeau en passant par les bidons de produits chimiques et d’entretien!
À vous qui avez déjà laissé un endroit destiné aux personnes handicapées bordélique…
Surtout, ne me dites pas que la personne handicapée n’a qu’à venir vous voir si elle a besoin que vous dégagiez le chemin. Elle le fera peut-être, mais elle tournera peut-être aussi les talons. Pourquoi ? Parce que je vous le rappelle, certaines personnes handicapées ont du mal à se déplacer. Ce n’est pas pour rien qu’on les nomme également « personnes à mobilité réduite » ! Il est vrai que certaines d’entre elles n’ont aucun mal à rouler sur des kilomètres comme vous qui marchez, mais pour d’autres revenir vers vous représente effort et fatigue si ce n’est douleur. Cela leur prend aussi souvent plus de temps pour parcourir la même distance que vous.
À vous qui prenez parfois une place de stationnement dédiée aux personnes handicapées…
Oui, je sais, vous n’en n’avez que pour deux minutes. Le temps de faire une course rapide. Vous êtes pressés. Le hic, c’est que la personne handicapée n’en sait rien. Elle n’attendra donc pas que vous reveniez mais cherchera la première place disponible ou laissera tomber.
Oui, mais je suis dans la voiture. Je ne fais qu’attendre quelqu’un. La personne handicapée n’a qu’à venir me voir si elle a besoin de la place… Je comprends. Sauf que la personne en chaise roulante devra arriver à attirer votre attention, peut-être en klaxonnant. Elle ne descendra probablement pas de sa voiture pour venir cogner à votre portière. Pensez-y. Pour ce faire, il lui faudrait un endroit dégagé pour descendre de voiture, sortir son fauteuil, venir jusqu’à vous en sachant très bien que sa propre auto bloque sûrement le passage aux autres, vous parler, remonter en voiture, rentrer son fauteuil, prendre votre place pour enfin ressortir de sa voiture !!!
Oui, mais il y avait une place de libre destinée aux personnes handicapées juste à côté de celle que où je me suis stationné(e)…
Qui vous dit qu’elle n’a pas été prise entre-temps ?
Oui, mais il y a plein de places disponibles plus loin.
Le problème c’est, je vous le rappelle, que la personne handicapée a besoin de plus d’espace que vous pour rentrer et sortir de sa voiture. Alors même si elle trouve une place normale plus loin, qui vous dit que d’autres personnes ne viendront pas, pendant son absence, se garer de part et d’autre de sa voiture l’empêchant ainsi d’accéder à la sienne à son retour ? Gardez aussi en tête que la personne à mobilité réduite a plus de difficulté à se déplacer que vous. La place qui est donc juste un peu plus loin, l’est peut-être trop pour elle. Enfin, parcourir cette distance lui est franchement désagréable s’il pleut. Pourquoi ? Parce qu’il est bien difficile de tenir un parapluie lorsque nos bras sont occupés à utiliser des béquilles ou à pousser les roues d’un fauteuil roulant. Et puis, il est difficile d’accélérer le pas quand on a du mal à marcher.
Alors svp, la prochaine fois que vous serez tentés par la facilité, réfléchissez-y deux fois. Dites-vous bien que pour la personne handicapée, votre paresse ajoute à sa fatigue de la journée. Et qu’elle sera peut-être obligée de remettre à plus tard ce qu’elle était venue faire. Sa frustration sera encore plus grande si le simple fait de sortir de chez elle lui a demandé des efforts qui par votre faute seront vains.
Quelques photos du pont de Mostar et de son inaccessibilité pour les personnes handicapées (regardez le sol de galets)…
Voila plusieurs années, ici au Québec, la belle grandeur des salles de bain pour personnes handicapées était attirante pour les débarras de tous genre. Mais cette époque est passée, ici a Sherbrooke, en tout cas.
Pour les stationnement les québécois sont têtus.
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